Date : 17 Avril 1915 – Expéditeur : Eugène Bonnet – Destinataire : Mme veuve Gervais et Mme Louis
Lieu : Minden (Allemagne—Westphalie)
Chère mère et sœur,
Voilà 19 jours que je connais la fatalité du plus grand malheur pour rien au monde n’est si douloureux. Je bats le record de souffrance, mourir pour une noble femme que j’ai tant aimée m’aurait été doux, je n’ai cessé de gémir depuis les 24 heures entières, dans le silence, les nuits fiévreuses et d’insomnie.
Je repasse heure par heure le temps vécu ensemble et je pleure pour me soulager.
Que devient ma chère enfant ? Image de mon aimée épouse en bonté et douceur de grâce, des détails, il n’y a que ça qui saurait adoucir mes douleurs si prégnantes jour et nuit dans la vision.
Je suis cette fidèle et soumise compagne qu’aujourd’hui n’est plus.
Mes yeux la voient toujours sur son lit de douleurs, fondre en larmes, crier Eugène, mon Eugène…
Je ne te verrai plus et le plus lourd de ma peine est de d’avoir pu la soulager, l’embrasser.
Mon cœur et ma pensée reste à côté d’elle au plus profond de sa tombe, coin de terre que je voudrais bien voir.
Mes sympathies à ceux qui prennent part au deuil.
Au revoir, B. Eugène